11 Dicembre 2018
Le Monde

Oggi come ieri, le donne in primo piano nelle mobilitazioni

di Fanny Gallot

 

Più della presenza delle donne nel movimento dei “gilet gialli”, a colpire è la loro visibilità, legata al guadagno di legittimità della loro parola avvenuto in questi ultimi mesi, sottolinea la storica Fanny Gallot.

 

Da qualche giorno, i media danno conto della significativa presenza di donne di tutte le età nella mobilitazione dei “gilet gialli”. Sul campo sono effettivamente presenti durante i blocchi stradali, e appaiono regolarmente sui media. Denunciano il calo del loro potere d’acquisto, l’iniquità fiscale, i salari bassi, ma anche la condiscendenza del potere e il suo disprezzo di classe, chiedendo a Emmanuel Macron di dimettersi.

La partecipazione delle donne agli scioperi e ai movimenti non è affatto una novità, in particolare contro il caro-vita. Fin dal XVIII secolo hanno fatto parte a pieno titolo delle rivolte, che fossero quelle del grano (contro il rialzo dei prezzi dei cereali), quelle contro le tasse o contro i signori. Mettere avanti le donne impressiona le autorità, che le reprimono meno duramente. E il disordine che produce la loro presenza può condurre il movimento alla vittoria.

Anelli della catena femminista

In tutte le mobilitazioni recenti l’impegno delle donne è stato altrettanto forte, eppure sorprende. Ogni volta appare come una novità. La presenza femminile è vista come il segno di una mobilitazione eccezionale: se ci si mettono anche le donne… In realtà, ciò che dovrebbe stupire è che ci si dimentichi della loro partecipazione, la loro invisibilità retrospettiva. Le donne hanno dato da diversi anni un contributo decisivo, con scioperi a maggioranza femminile della sanità animati dalle infermiere o nelle imprese di pulizia. In questo momento, per esempio, lo sciopero delle addette alle pulizie dell’Hôtel Park Hyatt Vendôme ha reso visibile non solo il loro lavoro, ma anche le condizioni in cui viene svolto.

Oggi, il coinvolgimento delle donne con i “gilet gialli” è legato in parte al loro farsi carico del lavoro domestico, svolto essenzialmente da loro (anche se la molla che le ha spinte a muoversi non si riduce a questo): è ancora a loro che tocca mettere insieme il quadro lavorativo con quello familiare. In un contesto che rende impossibile farcela a molte di loro, la mobilitazione permette di far emergere nello spazio pubblico ciò che era confinato alla sfera privata: se molte non ce la fanno, vuol dire che i problemi vissuti di solito come personali hanno cause sociali, che il personale è politico. Inoltre, certe donne impegnate nel movimento dei “gilet gialli” lavorano nell’ambito dei servizi alla persona, in cui le forme d’organizzazione e di mobilitazione collettiva, sul lavoro e a causa del lavoro, sono difficili da mettere in opera: mobilitarsi con i “gilet gialli” significa portare alla luce e politicizzare le loro difficili condizioni di lavoro e di vita.

Quello che forse cambia nella mediatizzazione del movimento dei “gilet gialli” è che la presenza femminile è diventata parzialmente visibile e se ne è parlato. Un fenomeno probabilmente legato al guadagno di legittimità della parola delle donne di questi ultimi mesi. Con un continuo inanellarsi femminista che si è dispiegato su scala mondiale, dallo sciopero dell’8 marzo in Spagna alle mobilitazioni per l’aborto in Argentina, dal #metoo negli Stati Uniti alla manifestazione del 24 novembre a Parigi, è in corso una nuova ondata femminista. Questo favorisce la presa di parola delle donne nello spazio mediatico. Se la scelta dei “gilet gialli” di dotarsi di portavoce è sintomatica di una certa tendenza a fare sparire le donne, l’originalità del movimento è proprio di non avere una sua direzione in cui gli uomini possano monopolizzare l’attenzione. Le forme di organizzazione democratica che di tanto in tanto vengono abbozzate nel movimento non possono quindi tagliar fuori la parola delle donne.

Fanny Gallot, storica, è docente all’università Paris-Est Créteil e fa parte del Centro di ricerca in Storia europea comparata. In particolare, è l’autrice di « En découdre. Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société » edizioni La Découverte, 2015.

(Le Monde, 11 dicembre 2018, traduzione dal francese di Silvia Baratella)

 

 

Aujourd’hui comme hier, les femmes au cœur des mobilisations

par Fanny Gallot

 

Plus que la présence des femmes dans le mouvement des «gilets jaunes», c’est leur visibilité qui frappe, liée au gain de légitimité de leur parole ces derniers mois, souligne l’historienne Fanny Gallot.

Depuis quelques jours, les médias rendent compte de la présence importante des femmes de tous âges dans la mobilisation des «gilets jaunes». Sur le terrain, elles sont effectivement présentes aux ronds-points et apparaissent régulièrement dans les médias. Elles dénoncent la baisse de leur pouvoir d’achat, les injustices fiscales, les bas salaires, mais aussi la condescendance du pouvoir et son mépris de classe, appelant Emmanuel Macron à démissionner.

La participation des femmes dans les grèves et dans les mouvements sociaux n’a rien de nouveau, en particulier contre la vie chère. Dès le XVIIIe siècle, elles sont partie prenante des révoltes, que celles-ci soient frumentaires [relatives à la hausse des prix des céréales], antifiscales ou antiseigneuriales. La mise en avant des femmes impressionne les autorités, car elles se trouvent moins réprimées. Et le désordre qu’elles produisent peut conduire à la victoire du mouvement.

Séquence féministe

Dans toutes les mobilisations sociales de la période récente, l’implication des femmes est également forte et, pourtant, elle surprend. Cette implication apparaît à chaque fois comme une nouveauté. Leur présence est alors comprise comme le signe d’une mobilisation exceptionnelle : si même les femmes s’y mettent… En réalité, ce qui mérite l’étonnement, c’est qu’on oublie leur participation : leur invisibilité rétrospective. Elles ont contribué de façon décisive depuis plusieurs années, avec des grèves majoritairement féminines dans le secteur de la santé avec les infirmières ou encore dans celui du nettoyage. En ce moment, par exemple, la grève des femmes de ménage de l’Hôtel Park Hyatt Vendôme a permis de rendre visible non seulement leur travail, mais également les conditions dans lesquelles il est accompli.

Aujourd’hui, avec les «gilets jaunes», l’implication des femmes est pour partie liée à leur prise en charge du travail domestique, un travail gratuit réalisé pour l’essentiel par les femmes (même si les ressorts de leur mouvement ne s’y réduisent pas) : c’est toujours à elles qui revient de joindre les deux bouts dans le cadre du travail et de la famille. Dans un contexte qui rend impossible la réalisation de cette tâche pour nombre d’elles, la mobilisation permet de faire apparaître dans l’espace public ce qui restait dans la sphère privée : si beaucoup n’y parviennent plus, c’est bien que les problèmes vécus généralement comme personnels ont des causes sociales, que le privé est politique. En outre, certaines femmes impliquées dans le mouvement des «gilets jaunes» travaillent dans les métiers des services à la personne, où les formes d’organisation et de mobilisation collectives, dans et par le travail, sont difficiles à mettre en œuvre : se mobiliser avec les «gilets jaunes», c’est faire apparaître en pleine lumière et politiser leurs difficiles conditions de travail et d’existence.

Ce qui change peut-être dans la médiatisation du mouvement des «gilets jaunes», c’est que l’invisibilité des femmes est partiellement rendue visible et débattue. Un phénomène probablement lié au gain de légitimité de la parole des femmes ces derniers mois. Avec la séquence féministe qui se déploie à l’échelle mondiale, de la grève du 8 mars en Espagne aux mobilisations pour le droit à l’avortement en Argentine, de #metoo aux Etats-Unis à la manifestation du 24 novembre à Paris, une nouvelle vague féministe est en cours. Elle favorise la prise de parole des femmes dans l’espace médiatique. Si la mise en place des porte-parole des «gilets jaunes» a été symptomatique de la tendance à voir disparaître les femmes, l’originalité du mouvement est justement de ne pas avoir de direction où les hommes pourraient monopoliser l’attention. Les formes d’organisation démocratique telles qu’elles s’esquissent parfois dans le mouvement ne peuvent donc passer à côté de leur parole.

Fanny Gallot, historienne, est maitresse de conférence à l’université Paris-Est Créteil et membre du Centre de recherche en histoire européenne comparée. Elle a notamment écrit «En découdre. Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société» (La Découverte, 2015).

(Le Monde, 11 décembre 2018)

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